Le Littoral
Le Littoral
Détermination, mise en valeur et protection
Règles d’aménagement et d’urbanisme particulières
2ème édition Éditions Le Moniteur – collection Traité juridique, 553 pages (Paru en novembre 2005)
Coécrit avec Norbert CALDERARO
Vice-président de Tribunal administratif
Président de chambre au Tribunal administratif de Nice
ISBN : 2-281-12369-3 (553 pages, 70 euros)
Chapitre 1 : Les formes de la domanialité publique propre au littoral
Chapitre 2 : La délimitation du domaine public naturel
Chapitre 3 : Les servitudes instaurées au profit du domaine public maritime
Chapitre 4 : La protection juridique du domaine public
Chapitre 5 : L’utilisation du domaine public maritime
Chapitre 6 : Les dispositions de la loi littoral non intégrées au code de l’urbanisme
Chapitre 7 : Les dispositions de la loi littoral intégrées au code de l’urbanisme
Chapitre 8 : Les règles protectrices de l’espace littoral étrangères à la loi du 03 janvier 1986
Chapitre 9 : Le conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres
Reproduction de la quatrième de couverture
Le littoral est victime de son attractivité : on dénombre généralement plus d’une dizaine d’utilisations, depuis l’exploitation des ressources biologiques nutritives jusqu’à l’exploitation industrielle, sans omettre le nombre croissant d’activités d’ordre touristique.
Cette polyvalence de l’espace littoral a pour corollaire une multiplicité d’intérêts souvent contradictoires. Les règles relatives au rivage de la mer forment en conséquence un ensemble peu homogène. En l’absence de définition précise, ce sont des textes disparates qui composent le droit du littoral. Ce corpus est irrigué par les règles parfois assez anciennes de la domanialité publique, mais aussi par des pans importants du code rural, du code de l’environnement ou encore du code de l’urbanisme.
Partant de l’étude, dans une première partie, de la domanialité publique propre au rivage, des servitudes qui s’y rattachent et de sa protection et de son utilisation, la nouvelle édition de cet ouvrage de référence, enrichie et augmentée, analyse dans une seconde partie les règles complexes et originales de gestion des espaces littoraux.
Les nombreuses annotations et remarques de cette nouvelle édition permettent à l’ensemble des praticiens de l’urbanisme et de l’aménagement, fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales, aux notaires comme aux promoteurs publics et privés, aux juristes, avocats et aux enseignants, de disposer d’un traité qui, au-delà de l’état du droit applicable et de son analyse, restitue pleinement le richesse des pratiques administratives et leur propose une lecture pratique de la matière.
La maniabilité et l’accessibilité de l’ouvrage sont renforcées par un index thématique très détaillé.
Préface
JACQUELINE MORAND-DEVILLER
Professeur à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Présidente de l’association française et de l’association internationale de droit de l’urbanisme (AFDRU)
La célébration du 30ème anniversaire de la création, en 1975, du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, a été l’occasion de débattre, sereinement, de la protection et de l’aménagement du littoral. Cette disputatio était plus à la hauteur de ce joyau de notre patrimoine national que la dernière réforme le concernant devenu l’article 235 de la loi sur les territoires ruraux adoptée le 23 février 2005, très long article perdu parmi les 240 articles de la loi et inconfortablement installé entre une disposition sur les vins de champagne et une autre sur les GIP : le littoral mérite mieux que cela.Chacun s’accorde à célébrer les mérites de la loi littoral – qui fêtera l’an prochain son 20ème anniversaire – et à reconnaître qu’elle a permis de sauver des espaces en péril.
Chacun s’accorde aussi pour louer l’excellent travail du Conservatoire du littoral qui a pour ambition de protéger un tiers du linéaire côtier et a, d’ores et déjà, acquis un tiers du » tiers sauvage » prévu. Le problème qu’il rencontre actuellement est lié à l’augmentation rapide du prix des terrains et le souhait formulé est de voir les crédits qui lui sont votés faire l’objet d’une ligne budgétaire permanente ce qui lui donnerait plus de liberté. Le bilan de la concertation menée entre le Conservatoire et les communes est satisfaisant, les terrains ne sont pas sanctuarisés mais participent à une action touristique qui répond au désir de plus en plus évident d’un retour à la nature, intelligemment restaurée et entretenue : 30 millions de visiteurs sont ainsi accueillis chaque année.
La loi littoral est une bonne loi, qui a eu le courage de traiter du fond des problèmes et pas seulement de questions de procédure et qui a eu, dès ses premières années d’application, des effets forts. Elle répond à l’affectivité et à l’efficacité du droit souvent absentes du processus normatif. Ses dispositions ont permis d’éviter des aménagements lourds dans des espaces dignes de protection et bien des sacrilèges ont pu être évités grâce à elle. Ce succès serait dû à sa brièveté, comme ce fut le cas de cette bonne loi de 1913 à laquelle tant de chefs d’oeuvre en péril du patrimoine architectural durent leur survie, loi bientôt centenaire, à laquelle peu de changements ont été apportés, respect que mérite aussi la loi littoral.
Modèle de norme épurée, allant à l’essentiel, exception culturelle en nos temps misérables d’empilements de textes bavards, abscons souvent inefficaces, la brièveté de la loi de 1986 illustre le fait que plus un texte est court plus forte est sa portée : que n’a-t-on tiré de la notion de » procès équitable « , par exemple ? La raison de cette efficacité est l’ouverture laissée à l’interprétation du texte et à son application différenciée selon les circonstances de chaque affaire. On n’est pas loin du pragmatisme anglo-saxon et de sa méfiance à l’égard du texte écrit.
Cette brièveté et ses conséquences font l’objet de critiques menées par certains parlementaires-maires de commune littorales et se concentre sur deux objets. Selon eux, la loi serait trop brève et donc obscure. Et de réciter l’antienne bien connue de l’imprécision de termes tels que 1′ » urbanisation en continuité « , les » espaces urbanisés « , les » espaces proches du rivage « , les » espaces remarquables « , créant, selon eux, une insécurité juridique. L’un des auteurs de la loi a révélé que le premier projet était beaucoup plus long et que c’est à la demande du gouvernement qu’une épure a été recherchée. La seconde critique, liée à la première, concerne la juridiciarisation du système : trop de procès, trop de pouvoirs laissés au juge, lequel prendrait des positions irréalistes sans se soucier des préoccupations locales au regard du nécessaire développement communal.
Les réponses à ces critiques sont aisées, les solutions à apporter le sont moins.
Que la loi ait besoin d’être précisée c’est une évidence dont le législateur de 1986 avait d’autant plus conscience que l’intervention de nombreux décrets était prévue. Et le véritable problème n’est pas la brièveté de la loi mais la lenteur, sans autre raison souvent que l’inertie administrative, dans la publication de certains de ces décrets. 18 années étaient-elles nécessaires pour qu’intervienne le décret définissant les communes » estuaires » ou le décret sur la délimitation du domaine public maritime ? Et que dire de l’impuissance à mettre au point des documents d’orientation, permettant une meilleure identification de certains espaces au regard des catégories distinguées par la loi.
Loi d’avant-garde, la loi littoral envisageait la gestion intégrée de l’espace côtier en s’adressant à des espaces physiques pour inspirer les catégories juridiques. Elle prenait en compte, sans le dire – car le terme n’était pas encore à la mode – le développement durable. Encore fallait-il qu’elle soit précisée par des documents répondant à cette gestion cohérente d’ensemble unifiés, couvrant de vastes territoires et formant des entités géographiques spécifiques. Or cette démarche n’a donné jusqu’ici que de piètres résultats : ainsi, après tant d’années de palabres, une unique directive territoriale d’aménagement, deux schémas de mise en valeur (SMVM), d’introuvables directives paysagères… échec dû sans doute au manque de fermeté des services de l’État, mais surtout à l’opposition, pour des raisons de politique locale, de certains élus qui paradoxalement critiquent l’imprécision de la loi.
Il serait temps que des consensus interviennent et que des chantiers soient sérieusement ouverts pour mettre au point les documents d’identification et d’objectifs que la loi appelait. A cet égard, le long article 235 de la loi du 23 février 2005 inclut une disposition intéressante, en prévoyant que les SMVM, document de gestion intégrée côté terre et côté mer, deviendront un des chapitres des schémas de cohérence territoriale (SCOT), ce qui devrait encourager leur développement.
L’autre critique concerne la » juridiciarisation » dont serait victime le droit du littoral. Il est vrai que la jurisprudence s’est beaucoup accrue, comme en témoigne cet ouvrage, mais quel défenseur du droit le regrettera ? Le nombre des annulations vient témoigner de ce que le respect du droit par l’administration n’est pas toujours exemplaire et qu’il est heureux que des associations ou des particuliers demandent au juge de le rétablir. Quant à regretter les obsessions procédurières de certains, qui défendraient davantage leur intérêt particulier que l’intérêt général, les cas restent isolés, sans doute pas assez punis, et il ne faut pas les confondre avec l’hypothèse, quant à elle fréquente, où l’intérêt de particuliers heurtés par un projet d’aménagement voisin rejoint l’intérêt général.
Mais les critiques vont plus loin, elles mettent en cause le trop grand pouvoir du juge et le caractère indécis de certaines décisions. Ici encore, c’est vouloir ignorer des principes élémentaires de droit. Le juge est l’interprète de la règle de droit, de sa lettre et de son esprit. L’esprit de la loi littoral est de trouver un juste équilibre entre aménagement et protection – peu importe l’ordre de présentation, les deux objectifs sont placés sur un pied d’égalité quoique certaines voix isolées aient prétendu que l’aménagement, énoncé le premier serait une priorité. Que va-t-on chercher ! Le juge, qui n’est pas seulement la » bouche » de la loi – n’en déplaise à Montesquieu – va donc adapter les dispositions, certes laconiques de la loi littoral, à la situation concrète, sur le terrain, différente d’une affaire à l’autre, travail qui requiert un minimum de bon sens, celui-là même dont l’administration doit faire preuve. Les qualifications de la loi sont, certes, très générales, mais peut-il en être autrement lorsqu’il s’agit de situations géographiques ayant chacune leur singularité, impossibles à ranger dans des catégories et des définitions précisées à l’avance. Dépourvu de documents d’orientation qui lui seraient bien utiles, le juge a le mérite de donner une interprétation qui, au fil des années, trouve une unité jurisprudentielle facilitant les interprétations à venir Le juge doit décider, trancher, mais il le fait sous le contrôle d’autres juges, en appel et cassation, et la protection du littoral, devenue effective depuis la loi de 1986, doit beaucoup à leur détermination sur des sujets délicats, les tribunaux administratifs dans le ressorts desquels se trouvent les communes littoral étant aux avant-postes.
Norbert Calderaro fait partie de ces juges puisqu’il a eu durant de nombreuses années la charge de la Chambre de l’urbanisme au Tribunal administratif de Nice dont il est aujourd’hui vice président. Auteur d’un » Droit du littoral « , publié en 1993, il présente ici une seconde édition enrichie et actualisée, qu’il a rédigée en collaboration avec Jérôme Lacrouts, docteur en droit et avocat au Barreau de Nice. L’une des originalités de ce travail est la présentation intégrée d’un double régime juridique applicable au littoral : celui inscrit dans le Code de l’urbanisme et celui de la domanialité publique maritime, l’un et l’autre marqués par des dispositions d’application nationale – puisque le domaine public maritime est, dans sa quasi-totalité, propriété de l’État – dispositions qui s’imposent aux collectivités locales, notamment les communes, en dépit de la décentralisation de l’urbanisme.
L’ouvrage s’ordonne donc en deux parties, la première consacrée au domaine public maritime. Les propriétés publiques vont être l’objet d’un Code qui, on l’espère, préservera des principes essentiels de protection et de bonne gestion, forgés, au fil des années par la jurisprudence, et évitera de se laisser entraîner trop loin par les sirènes du partenariat public-privé. Le domaine public naturel est moins concerné par ces bouleversements mais l’obsession de rentabilité ne peut manquer de le menacer. Les auteurs, après avoir constaté la forte extension légale et réglementaire du domaine public maritime, dressent le bilan de la jurisprudence concernant à la fois sa consistance, sa délimitation, les servitudes instaurées à son profit, sa protection juridique et son utilisation.
Les insuffisances de la réglementation sont soulignées, qui concernent, notamment, la délimitation côté terre, faiblement réalisée, l’administration ne prenant pas les devants mais attendant que le juge le fasse. Il est vrai que si les riverains du domaine ont le droit de connaître les limites de leur propriété, ils en font rarement la demande, préférant rester dans une ignorance qui sert leurs intérêts, sauf à voir l’administration les mettre en cause devant le juge pour occupation sans titre. Elle concerne aussi la nécessité d’une clarification des responsabilités entre les autorités chargées de la police, générale et spéciale : maire, préfet terrestre et maritime. Elle porte surtout sur l’inefficacité des contraventions de grande voirie, lenteurs de la procédure alors que la remise en état du domaine appelle l’urgence, caractère non dissuasif des sanctions. Mais s’agit-il de sanction ? Des explications devraient être données par la Cour européenne des droits de l’homme saisie de la question. L’ouvrage présente un des bilans les plus exhaustifs qui soit des textes et de la jurisprudence sur le domaine public maritime.
La seconde partie s’intéresse à l’aménagement et à la protection des espaces littoraux. Face à la diversité des sources normatives, on saura gré aux auteurs d’avoir entrepris une classification qui permette de tout rassembler afin de traiter la matière de manière globale et cohérente en distinguant les dispositions de la loi de 1986 non intégrées au Code de l’urbanisme, celles qui lui sont intégrées (règles générales et règles spécifiques) et les dispositions non spécifiques au littoral mais qui, en pratique, lui sont souvent appliquées. Le Conservatoire de l’espace littoral, qui relève du Code de l’environnement, fait l’objet d’un chapitre particulier.
Le chapitre Il est consacré aux dispositions bien connues du Code de l’urbanisme (articles L.146-1 à L.146-9). Après avoir distingué l’opposabilité aux documents d’urbanisme et l’opposabilité aux actes individuels, il confronte l’appréciation des principes d’aménagement à ceux de la protection du milieu naturel Le bilan de la jurisprudence, très vigilamment actualisé, permet de prendre la mesure des notions ouvertes à l’interprétation du juge, certaines délicates à apprécier : ainsi de la » capacité d’accueil « , de la » partie naturelle » d’un site, de l’ » espace urbanisé « , de » l’ouverture à l’ urbanisation » et bien évidemment des fameux » espaces remarquables « . Le chapitre III rassemble les règles protectrices extérieures à la loi littoral soit l’article R.111-21, les zones N des plans locaux d’urbanisme, les zones à protéger dans les schémas de cohérence territoriale, les espaces naturels sensibles des départements, ce qui permet d’apprécier l’articulation de ces dispositions avec celles de la loi littoral.
On ne saurait trop recommander la lecture de cet ouvrage, le seul à parvenir à un bilan aussi complet dé la réglementation et de la jurisprudence sur un sujet dont les enjeux n’échappent à personne. Le Conseil national d’aménagement et de développement du territoire (CNADT) lançait, en juillet 2003, un » message d’alerte » à propos de la politique de mise en valeur du littoral, message auquel certains parlementaires (rares) répliquèrent en tirant à boulets rouges sur tant de cibles : services de l’État, associations, doctrine et juges et avec tant d’excès : » juges en situation d’excès de pouvoir » que l’attaque versait dans l’insignifiance. Les représentants de la Nation ne peuvent ignorer que le littoral fait partie du patrimoine commun de la nation puisque ce sont eux qui l’ont affirmé ; ils ne peuvent ignorer que le » gouvernement des juges » mis au service du « gouvernement du droit » est le meilleur signe de bonne santé des démocraties.
Ils liront donc avec profit cet ouvrage qui tout en les instruisant pourrait les inspirer dans la préparation de réformes propres à apporter quelques précisions sans toucher à l’essentiel, ouvrage qui devrait connaître le succès auprès d’un large public : élus, représentants de l’administrations, professionnels de l’aménagement défenseurs de l’environnement et étudiants qui, de plus en plus nombreux, se spécialisent en droit de l’urbanisme et de l’environnement. Il a été écrit par des hommes d’expérience qui mettent leur conviction et leur talent au service de la cause du droit et de celle de la survie d’espaces remarquables inlassablement menacés.
En savoir plus :